Tout avait bien commencé pourtant. La France avait accouché du Siècle des Lumières, et les Diderot, D’Holbach et autres philosophes s’étaient mis à professer, théoriser et divulguer le matérialisme moniste et le déterminisme, indissociables de la démarche scientifique, qu’ils embrassaient sans réserve. La traditionnelle vision dualiste de l’être humain, façonnée par Platon, entretenue par les Pères de l’église et gravée dans le marbre de notre « inconscient collectif » par Descartes, se voyait donc remplacée par une conception entièrement matérialiste. La mécanique étant à l’époque le modèle emblématique de la science, on assistait à la publication de l’Homme machine de La Mettrie, et le même Descartes, avec sa théorie des réflexes, ouvrait la voie à l’étude des déterminismes dans le comportement humain. L’engouement pour les automates, très à la mode à cette époque, témoigne de la popularité de ces conceptions. Mais, de même que la Révolution française, tentant d’effacer des siècles de Monarchie par l’instauration de la République, dut faire face à la Restauration, à des Empires même, avant de voir ses idées définitivement acquises (l’Histoire nous montre que ce fut long, difficile et qu’il fallut user plusieurs Républiques avant d’aboutir), les Lumières, qui lui étaient intimement liées, furent suivies de périodes de recul, où, suivant la loi du pendule, le dualisme, voire l’idéalisme le plus arrogant, retrouvèrent leurs lettres de noblesse (comme d’autres leurs titres) sous la plume des Alain, Maine de Biran et Bergson, pour ne citer que ceux-là. Il fallut attendre, sur le plan scientifique, les renforts d’un Darwin pour réaffirmer l’absolue continuité de la chaîne de la vie et la synthèse de l’acide urique par l’Allemand Friedrich Wöhler en 1827 pour en finir définitivement avec le vitalisme, un des derniers avatars du dualisme. Sur le plan philosophique, le coup de grâce devait être porté par Marx et Engels qui, empruntant le principe de la dialectique à Hegel, philosophe idéaliste par excellence, allaient le conjuguer avec le matérialisme, incontestablement métaphysique, scolastique, des Encyclopédistes, pour parvenir à cette synthèse que nous connaissons sous le nom de matérialisme dialectique, auprès duquel s’est nourrie toute la gauche depuis son existence. Tous les jalons avaient donc été plantés, tout le balisage effectué. Il ne restait donc, à une conception scientifique moderne de l’Homme, qu’à emprunter le chemin ainsi balisé. C’était sans compter avec un certain médecin viennois, qui allait, après quelques difficultés d’implantation, dominer non seulement la psychologie clinique et la psychopathologie françaises, mais toute la psychologie et, au-delà, la société et la culture de ce pays (Castel, 1973). L’orientation majoritaire dans le domaine de la psychothérapie fut donc, en France, la psychanalyse, qui allait stériliser toute tentative d’implantation et de développement d’une autre approche.
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