Tout le mérite de cet article revient aux deux premiers auteurs, Matthieu VILLATTE et David SCHOLIERS. Je n'ai été que l'instigateur et le directeur de recherche (ce qui ne veut absolument pas dire que je m'en désolidarise, bien au contraire! Le choix du mot "instigateur" est parfaitement lucide).
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Le 30 mai 2001, l’assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture, le projet de loi About-Picard renforçant la législation contre les sectes. Le texte définitif, comportant de nouvelles mesures qui facilitent la dissolution civile d’organismes condamnés à plusieurs reprises par la justice et qui limitent l’installation et la publicité des groupements sectaires, étend l’article 313-4 du code pénal réprimant l’« abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse » puisqu’il devient également répréhensible s’il concerne un sujet « en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement pour le conduire à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable ». Cette reformulation du délit de manipulation mentale, initialement prévu par le projet et adopté en première lecture, est un compromis entre les différentes positions qui se sont affrontées tout au long de l’élaboration du projet de loi. Le texte définitif est en fait rejeté par l’ensemble des représentants des religions monothéistes, par une large partie du monde juridique et par le milieu de la psychiatrie. Pourtant, tous s’accordent à dire que la lutte contre les sectes est d’une importance capitale. On peut se demander ce qui est à l’origine de positions aussi diverses et opposées dans la poursuite d’un but commun. Pour tenter de répondre à cette question, nous présenterons d’abord les origines du projet de la loi About-Picard - en précisant les différentes définitions du concept de manipulation mentale apportées notamment par la psychologie clinicienne française - puis les étapes de son élaboration et les justifications qu’y apportent leurs auteurs ; nous verrons ensuite les réactions du milieu non religieux et la critique formulée par des juristes à l’égard du texte ; les réactions des représentants des religions monothéistes seront également examinées, notamment lors de leur audition devant le sénat ; enfin, à la lumière de l’approche béhavioriste du comportement et de son contrôle, nous proposerons de clarifier ce débat qui semble faussé dès l’origine par une conceptualisation erronée de l’être humain.
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